Patrick Modiano est un écrivain typiquement parisien. Ses nombreux romans, récompensés par le Grand prix du roman de l’Académie française ou par le prix Goncourt, reflète une âme intérieure, répétitive, à la recherche d’une jeunesse perdue.
Son œuvre est marquée par le Paris de l’Occupation, dans lequel on rencontre des personnages étranges, face à leur destin dans le monde tourmenté de cette époque. C’est ce qu’a voulu signifier le prix Nobel de littérature que l’écrivain a tout récemment obtenu pour « l’art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l’Occupation ». L’académie suédoise n’hésite pas à qualifier Patrick Modiano de Marcel Proust contemporain et il est vrai que le style, parfois lancinant, style aux phrases souvent longues, fais penser à l’écrivain dont la chambre, boulevard Haussmann, dans les locaux d’une agence du CIC, est toujours visitable.
Au fur et à mesure de l’écriture de son œuvre, Patrick Modiano développe une ambiance parisienne particulière, des parcours, des itinéraires, des lieux précis que le lecteur tente de reconnaître malgré le temps. Les intrigues sont finalement peu importantes et passent après des descriptions de Paris sans cesse différentes.
Comme le rappelle Wikipedia, on y retrouve des quartiers privilégiés, comme le 18ème arrondissement (Voyage de noces, Dora Bruder), le 6ème (Dans le café de la jeunesse perdue, Du plus loin de l’oubli) ou le 16ème (Quartier perdu, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier). La ville se voit divisée par une frontière symbolique : la Seine. « Prendre le large, fuir le monde toxique de l’enfance, c’est fuir le centre pour glisser au seuil de la capitale, rejoindre paradoxalement le vrai Paris, quitter le quartier latin pour Montmartre […] », souligne Bruno Blanckeman au sujet du récit autobiographique Un pedigree (2005).
Au-delà de Modiano, d’autres écrivains parisiens
Modiano inscrit ses pas dans ceux d’illustres arpenteurs de Paris : Raymond Queneau, avec Zazie dans le métro. Modiano rappelle : « J’ai lu que les moments où Queneau avait été le plus heureux, c’était quand il se promenait l’après-midi parce qu’il devait écrire des articles sur Paris pour l’Intransigeant. […] Comme Queneau, je n’étais vraiment moi-même que lorsque je me retrouvais dans les rues [de Paris] (…). ».
Georges Simenon, également, au sujet duquel Modiano rappelle, dans Le Monde, en 2007, au sujet de l’inventeur du commissaire Maigret : « Ce qui me rapproche de lui, c’est qu’il avait besoin lui aussi de savoir exactement dans quelle topographie et dans quels décors ses personnages évoluaient » ?
Guy Debord, à qui l’on doit un Guide psychogéographique de Paris, compte parmi les références de Modiano. Une citation du critique de la « société du spectacle » est placée en épigraphe du Café de la jeunesse perdue (2007), roman auquel elle donne d’ailleurs son titre : « À la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie, qu’ont exprimée tant de mots railleurs et tristes, dans le café de la jeunesse perdue. »
C’est ainsi que Modiano a pris, pour ses lecteurs, l’apparence d’un piéton de Paris, pour reprendre le titre d’un ouvrage de Léon-Paul Fargue, autre poète épris de la capitale.
Vincent Delerm ne s’y est pas trompé : dans l’une de ses chansons, un couple le croise, « en imper gris », à la sortie du métro, avant de s’embrasser devant les grilles du square Carpeaux. Comme s’il était un fantôme veillant sur les amours parisiennes…
Si Paris a transformé Modiano, Modiano aussi a, en retour, transformé Paris ! La maire de la capitale, Anne Hidalgo, a inauguré en 2015 une promenade Dora-Bruder, en hommage à cette jeune fille déportée sous l’Occupation que Modiano a tirée de l’oubli en lui consacrant un récit poignant (1997).
Qui a dit que les noms des rues de Paris n’étaient que ceux de personnages réels ?
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